« Vert soleil amour esseulé », Nuit 4, 29 mai 2022
Mes yeux
clignent sous le soleil verdâtre. La tête penchée, j’hume le parfum des
pierres, du parquet imprégné de miel et des plantes malodorantes. Entre les
lattes poussiéreuses, des souvenirs ressurgissent comme une fiction que l’on
crée en instantané – celle d’un amour non-partagé, dont le corps se revigore
lorsque l’hiver s’efface.
Entre la
cendre et les chardons, l’intimité de deux âmes amantes se déploie. La cire se
répand, dégringole contre la peau – une sensation de chaud. J’imagine le bruit
de l’eau, celui de la fontaine que l’on alimente sans cesse d’images et de
rêves. Le clapotis résonne comme le début d’une passion-fusion. Une histoire
avec des lendemains qui brûlent et des lèvres bleues : une histoire que
l’on ne racontera pas, mais dans laquelle on peut se cloîtrer lorsque la nuit nous
ment. Au petit matin, dans cet espace traversé de lumière naturelle, tout reste
à défaire et à grignoter. Rien n’empêchera le printemps dissimulé d’être empli
de fantasmes et d’orgasmes. Hourra !
Trois
petits êtres me font face avec leurs tignasses éparpillées : des monstres
bienfaiteurs qui protègent le ventre de la peur, du devoir, de la vie dont on ne
veut pas et qui s’immisce. Ces herbes folles me font de l’œil, comme un
sortilège qui nous dit « ne pas toucher ». J’ai envie de les
cueillir, d’en faire des bouquets et de les accrocher à ma boutonnière, comme
le signe d’une rébellion douce aux pouvoirs anxiolytiques et aphrodisiaques. En
avoir plein la bouche et plein le cœur, de ces tiges verdoyantes, de l’eau
sucrée et des mots-égratignures !
Impression
d’être une femme gelée, prisonnière d’un jardin qui ne dit pas son secret. Tout
semble calme et je me dis que notre seule solution c’est de grandir comme un
chemin gorgé de cailloux gris-ronds-pointus-tordus. De faire bruit en marchant.
D’avoir des papillons en bas du ventre. De ramasser des carcasses ailées et des
amours esseulés. De regarder ce qu’il y a en-dessous du plancher…
Plus loin, un lapin étrange m’effraie. Il est le
gardien d’un monde que je ne connais pas encore – un monde qui creuse le
sol et les préjugés. La béance qu’il surveille m’attire comme une enfant face à
un vide à combler. Si je mets ma main, mon corps, ma vie, est-ce que je serai
broyée par ce tunnel sans fond ? Ce toboggan sauvage sera-t-il un lieu
mortuaire ou celui d’une renaissance ? Au fond des entrailles, la tourmente et
le désir déterré.
Dans le cadre de l’exposition Dans un jardin qu’iels ont su garder secret de L. Camus-Govoroff, curatée par Camille Bardin, dans l’artist-run-space The Left Place, à Reims .