Nge Lay. Home », collection Frac Île-de-France, 2024.
Parmi les objets du quotidien se cachent des doudous à la texture rassurante et des boucliers invisibles. Dans les environnements chauds et humides, un textile essentiel à la vie ordinaire catalyse les souvenirs : la moustiquaire. Communément usitée afin d’échapper aux piqûres dangereuses et incessantes des insectes, elle évoque aussi un lieu de douceur et de partage familial. Avec son installation Home, Nge Lay convoque des récits intimes, imprégnés par l’exil.
Home se déploie dans l’espace comme un îlot familier. Flottant dans les airs, le tissu transparent oscille. Sur ce rideau délicat, clos sur lui-même, des poèmes cousus de fils noirs et des photographies se distinguent. Ces éléments se superposent, s’entremêlent et tissent des liens entre histoires politiques et archives personnelles. Un dialogue s’établit. La moustiquaire renvoie ici au pays d’origine de l’artiste, le Myanmar (Birmanie), qu’elle a été contrainte de quitter en 2021, suite au coup d’état militaire. S’opposant à cette prise de pouvoir liberticide et meurtrière, Nge Lay prend part à la révolution birmane. Quelques semaines avant de fuir et en pleine crise de Covid-19, elle tombe gravement malade. L’artiste et son compagnon n’ont pas accès à des soins médicaux, en raison de la répression politique qui sévit et qui les menace à chaque instant. Pour éviter de la contaminer et lui permettre de survivre, leur fille est isolée dans une petite moustiquaire, conçue spécifiquement pour l’occasion. À la violence du contexte semblent répondre en écho le réconfort et la tendresse de l’étoffe. Cocon apaisant et coquille protectrice, la moustiquaire se métamorphose ainsi en un espace domestique miniature pour cette enfant, qui réclame plus tard sa recréation, une fois loin de chez elle. La maisonnée se transporte, pour contrer le mal du pays.
Peuplée des traces du passé, Home documente l’expérience de l’exil. La moustiquaire paraît raviver le sentiment d’être en sécurité. Nge Lay invite les spectateurs à s’abriter en son sein. Cabane pour tous les exilés, elle rompt de l’isolement et construit un archipel de mémoires entrelacées.