Haitian Chen, îles, 2023, recueil de poésie et photographies © Haitian Chen
« Haitian Chen. Les fenêtres », Blob, DOC !, Paris (30.09.23 - 15.10.23)

Certains récits débutent avec des odeurs, des arômes chargés de souvenirs ou des effluves lointains qui nous transportent ailleurs, dans un passé que l’on semble avoir oublié. La madeleine olfactive de Haitian Chen est une orange. Originaire de Chine, cet agrume à la peau parfumée est la réminiscence de son père, qui déguste un fruit à la fin de chaque repas. Pour cette exposition, il rejoue et se réapproprie le geste paternel : tout au long de sa résidence, il a épluché inlassablement des oranges. De la chair disparue, il conserve les écorces, traces d’instants évanouis.

Sur sa table de travail, déplacée de l’atelier à la salle d’exposition, Haitian Chen déploie sa collection, qui s’étend dans tout l’espace, comme autant de petites îles prêtes à former un archipel. À travers cette installation odorante et trois photographies grand format, l’artiste nous fait pénétrer dans une intimité ordinaire et nous confronte à la poésie des natures mortes. Semblables, mais jamais identiques, ces pelures ne sont plus des déchets que l’on s’empresse de jeter. En les travaillant en série et en les soumettant à un protocole rigoureux, Haitian Chen nous invite à porter une attention accrue aux gestes et aux petits riens, qui peuplent la vie quotidienne. 

Dans son recueil de haïkus, se rencontrent ainsi une trentaine de photographies d’écorces et l’écriture délicate de moments suspendus, où se mêlent sentiments diffus et observation attentive du prosaïque. Cet aller-retour entre intérieur et extérieur, intériorité et altérité, parcourt son film, tourné à la fenêtre de son atelier. Au travers de la vitre, la temporalité est distendue. Les insectes, la rue et l’immeuble d’en face sont épiés, scrutés, à la recherche d’un détail, qui nous ferait distinguer hier et aujourd’hui.