« Geörgette Power », Flaque(s), dans le cadre de “Prismes”, BAM projects, Parempuyre (26.04.24 - 27.04.24)

Geörgette Power est un conteur de paysages. Il arpente un lieu, le quadrille et débusque son histoire et les récits qui l’accompagnent. Parfois, il se saisit des rumeurs, de ce qu’on raconte en marmonnant, et les transmute avec humour. Sa méthode ? L’agglomération poétique et le brouillage numérique.

Ses vidéos se construisent comme des collages oniriques. Bâties sur les gisements d’un folklore local et de la culture populaire, des formes hybrides nous y apparaissent. Au réel s’agrègent des artifices visuels et des voix de synthèse. À leur contact, les éléments urbains s’altèrent. La végétation s’enroule et se déforme, tandis que des animaux en 3D s’égarent dans l’espace public. En fond, une autre narration se construit, souvent en langue étrangère. Son bégaiement informatique creuse un écart. Cette voix off se fait l’écho d’un contre-récit, celui qui ne s’entend que lorsque nos paupières sont fermées. Pourtant, une porosité se crée. Rien ne nous sépare de notre environnement.

Avec Flaque(s), Geörgette Power ravive la mythologie du territoire de Parempuyre et nous invite à plonger dans ses eaux troubles, aux multiples strates. Sous le ciel bleu du bois d’Arboudeau, quelques traces de l’orage de la veille subsistent. L’air est humide, empreint d’argile et de rêves visqueux. À la recherche de créatures mystérieuses et guidés par des croassements électroniques, nos pas s’avancent doucement sur un sol spongieux. La métropole bordelaise se construit sur des marécages. Leur assèchement est source de nombreuses légendes, dont certaines perdurent encore.

Au bord de l’estuaire, à l’embouchure des rues et du lac, les habitant·es scrutent avec méfiance les roseaux. À chaque instant, iels s’apprêtent à surprendre bondir un grenome, tapis dans l’ombre du « nouveau » marais d’Olives. La politique de restauration écologique de cette zone intermédiaire, détériorée par plusieurs siècles d’intervention humaine, ravive le souvenir des hommes-grenouilles. Figures d’un passé englouti, ces chimères insulaires évoquent notre rapport à ce qui nous entoure, aux espèces en voie de disparition et à l’eau croupie.

Réparer, reproduire, rembobiner… Le processus de « renaturation », entamé depuis quelques années sur le site du marais, a vocation à repenser un équilibre entre les êtres humains et non-humains. Abstraite et évanescente, cette fameuse « nature » s’évanouit, dès lors que l’on tente de la figer. L’artiste matérialise son caractère artificiel, en brouillant les pistes. Au cours de notre promenade, nous ne parvenons pas toujours à distinguer le vrai du fabriqué. Les chants des oiseaux s’entremêlent à la musique ambiante, diffusée par des sculptures-fleurs-pensées. Le temps et les objets se superposent. Comme dans un énoncé performatif, Geörgette Power nous informe qu’un espace de convivialité est possible entre les différentes espèces, avec ou sans renaturation.