« Ariane Loze. If you didn’t choose A, you will probably choose B », collection Frac Île-de-France, 2024.

Paris s’éveille. Dans ses rues solitaires, une femme déambule. Au creux de ses mains, un appareil invisible, dont on reconnait aisément la forme et le son : son smartphone. La trentaine, baskets aux pieds et veste de costume, elle semble changer d’itinéraire, au grès de ses notifications. Paris s’éveille, mais les algorithmes ne dorment jamais.

Dans sa vidéo If you didn’t choose A, you will probably choose B, la performeuse polymorphe Ariane Loze met en scène l’amour à l’ère du numérique. L’héroïne qu’elle incarne scrolle, swipe, like… Tandis que les applications dont elle se sert en profitent pour récolter le maximum de renseignements sur sa géolocalisation, ses habitudes alimentaires, ses intérêts et ses loisirs. Chaque élément recueilli devient un paramètre supplémentaire qui permet de dresser son portrait virtuel et de l’insérer dans une catégorie sociologique. L’insérer ou plutôt l’enfermer, car une fois cette taxinomie établie, les algorithmes ne lui proposeront que des informations et des profils correspondant au sien. Accompagnée dans l’écriture du scénario par la sociologue Jessica Pidoux et le mathématicien Paul-Olivier Dehaye, Ariane Loze construit une narration cadencée, qui alterne le point de vue d’une utilisatrice et celui des applications, conçues dans l’objectif principal de traiter ses données personnelles afin de mieux les revendre par la suite.

Évanescents, les algorithmes sont ici personnifiés. L’artiste leur offre un corps et une voix. Ils surgissent au détour de la vidéo, comme des fenêtres publicitaires qui s’ouvrent de manière impromptue. Par-delà le fantasme d’une capitale à l’aube, le décor se modifie et nous déplace dans un univers neutre et impassible, composé d’une architecture industrielle et épurée. Spectateurs de cet hors-champ, nous devenons les témoins des conversations occultes entre les applications, qui s’échangent et négocient à prix d’or nos données. Ariane Loze démontre ainsi que, dissimulé sous des apparats romantiques, c’est avant tout une histoire mercantile qui se trame derrière la recherche de l’amour en ligne.